Cyberharcèlement : le poison numérique qui détruit nos enfants
En tant que thérapeute, j’ai reçu de nombreux enfants et adolescents en souffrance, et parmi les sources de détresse les plus fréquentes aujourd’hui, il y a le cyberharcèlement. Ce phénomène, insidieux et omniprésent, prolonge la violence bien au-delà des murs de l’école : il s’infiltre dans les foyers, dans les moments de solitude où un enfant devrait se sentir en sécurité.
Ce que j’ai pu observer en cabinet, c’est que le cyberharcèlement est souvent invisible aux yeux des adultes. Les victimes, par honte, culpabilité ou peur des représailles, se murent dans le silence. Mais certains signes doivent nous alerter.
Identifier les différentes formes de cyberharcèlement
Le cyberharcèlement ne se limite pas aux insultes sur les réseaux sociaux. Il prend de multiples formes, toutes destructrices :
- Les insultes et moqueries en ligne : commentaires haineux sur les publications, surnoms humiliants répétés.
- Le partage de rumeurs ou de photos compromettantes : des contenus dégradants qui se propagent rapidement et échappent à tout contrôle.
- L'usurpation d’identité : créer un faux profil pour humilier une personne, la harceler ou diffuser de fausses informations à son sujet.
- L’exclusion numérique : être volontairement mis à l’écart de groupes de discussion, de jeux en ligne, ou de réseaux sociaux.
- Les menaces et le chantage : qui peuvent aller jusqu’au revenge porn, notamment chez les adolescents.
- Chaque situation est unique, mais toutes ont un point commun : elles enferment l’enfant ou l’adolescent dans un état de stress et de solitude extrême.
Les dangers des réseaux sociaux et les signes à surveiller
Les réseaux sociaux sont devenus des espaces de socialisation incontournables pour les jeunes. Mais ils sont aussi un terrain propice au harcèlement, car l’anonymat et la viralité permettent aux agresseurs de frapper sans être immédiatement inquiétés.
Dans mon cabinet, j’ai vu des enfants qui, en quelques semaines, sont passés de l’enthousiasme à la détresse totale. Certains signes doivent nous alerter :
- Un changement soudain de comportement : un enfant jovial qui devient renfermé, un ado qui s’isole dans sa chambre.
- Une chute des résultats scolaires : la peur et le stress empêchent de se concentrer en classe.
- Une irritabilité ou une hypersensibilité inhabituelle : l’enfant se met en colère pour un rien, ou au contraire, pleure sans raison apparente.
- Une peur ou un rejet du téléphone et des réseaux sociaux : alors qu’il y passait des heures, il évite maintenant d’y aller.
- Des troubles du sommeil et de l’alimentation : insomnie, cauchemars, perte d’appétit.
- Des plaintes somatiques : maux de ventre ou de tête récurrents sans cause médicale apparente.
Face à ces signes, il est essentiel d’agir rapidement.
Un exemple personnel : le piratage du compte de ma fille
Le cyberharcèlement et les dangers du numérique ne concernent pas seulement les enfants et adolescents. Même les jeunes adultes peuvent en être victimes, et même les familles les plus sensibilisées ne sont pas à l'abri.
Ma propre fille a été confrontée à ce type de menace lorsqu’elle était jeune adulte. Un jour, elle m’a appelé, paniquée : son compte Facebook avait été piraté, et le pirate utilisait son profil comme cheval de Troie pour récupérer des informations auprès de ses contacts. Il envoyait des messages en son nom, tentant d’obtenir des données sensibles de ses amis et proches.
Pourtant, je l’avais éduquée aux dangers du numérique, je lui faisais confiance et elle était consciente des risques. Mais cela n’a pas empêché cette intrusion dans sa vie privée. C’est un rappel brutal que, malgré toutes les précautions, personne n’est totalement à l’abri.
Heureusement, elle a eu le bon réflexe de m’en parler immédiatement. Nous avons pu agir rapidement en :
- Bloquant l’accès au compte.
- Alertant la plateforme Facebook pour signaler l’usurpation d’identité.
- Prévenant ses contacts pour éviter qu’ils ne tombent dans le piège.
Cette expérience m’a rappelé à quel point la réactivité et la communication sont essentielles face aux menaces numériques. Beaucoup d’enfants n’osent pas parler, par peur d’être jugés ou de perdre leur accès aux réseaux sociaux. L’élément clé, c’est la confiance : si ma fille avait eu peur de ma réaction, si elle avait hésité à me parler, nous aurions peut-être découvert le problème trop tard.
Même en étant vigilant, même en éduquant nos enfants aux risques, nous devons rester attentifs aux signes : un changement d’attitude, une gêne soudaine face au téléphone, une peur inexpliquée… Autant d’indices qui doivent nous alerter et nous pousser à ouvrir le dialogue.
Protéger et accompagner les enfants face au cyberharcèlement
Dans mon approche, j’essaie toujours d’accompagner parents et enfants en leur donnant des outils concrets. Voici quelques pistes pour prévenir et gérer ces situations :
1. Créer un climat de confiance
Encouragez votre enfant à parler en adoptant une posture bienveillante. Ne minimisez jamais ses ressentis, même si ce qu’il raconte vous semble anodin.
2. Éduquer aux réseaux sociaux
Beaucoup d’enfants et d’ados ne réalisent pas les conséquences de leurs actes en ligne. Apprenez-leur à utiliser Internet avec prudence : ne pas partager d’informations personnelles, bloquer et signaler les harceleurs, ne jamais répondre aux provocations.
3. Encadrer le temps d’écran
Limiter l’exposition aux réseaux peut réduire la dépendance et la vulnérabilité face aux attaques numériques.
4. Surveiller sans espionner
Il est légitime d’avoir un œil sur l’activité en ligne de son enfant, mais en respectant son intimité. Plutôt que de fouiller dans son téléphone, privilégiez le dialogue et la sensibilisation.
5. Savoir comment réagir en cas de cyberharcèlement
- Ne pas répondre aux attaques (cela alimente souvent la spirale).
- Faire des captures d’écran comme preuve.
- Bloquer les comptes des agresseurs.
- Signaler le harcèlement aux plateformes concernées.
- En parler à l’établissement scolaire et aux autorités si nécessaire.
Ressources utiles :
3018 – Numéro national contre le cyberharcèlement
www.e-enfance.org
– Assistance et conseils
Un sujet abordé dans Spoutnik et Léa
Le cyberharcèlement est un enjeu majeur que j’ai choisi d’aborder dans mon livre Spoutnik et Léa. À travers cette histoire, j’ai voulu offrir aux enfants une manière d’identifier ce qu’ils peuvent vivre ou observer autour d’eux, tout en leur donnant des pistes pour en parler et trouver de l’aide.
Spoutnik et Léa n’est pas seulement une fiction, c’est aussi un outil de sensibilisation, conçu pour aider les jeunes lecteurs et les adultes à comprendre les mécanismes du harcèlement et à agir.
Pour en savoir plus sur le livre, rendez-vous ici : www.stephanerallier.fr/spoutnik-et-léa
Ensemble, brisons le silence
Le cyberharcèlement est un fléau qui prospère dans le silence et l’indifférence. Ce que j’ai appris en cabinet, c’est qu’un enfant qui se sent écouté, entouré et soutenu peut retrouver confiance en lui.
En tant que parents, éducateurs, professionnels, nous avons un rôle essentiel à jouer pour protéger et outiller les jeunes face aux dangers du numérique. Parlons-en, ouvrons le dialogue, brisons l’isolement.
Parce que derrière chaque écran, il y a un enfant qui mérite d’être protégé.
